L’unique patinoire du pays étant fermée pour cause de Covid-19, l’équipe nationale s’entraîne avec des pierres sur roulettes lâchées sur le sol d’un gymnase.
Nation incontournable des Jeux olympiques (JO) d’été grâce notamment à l’athlétisme, le Kenya est beaucoup plus discret aux JO d’hiver, avec seulement deux représentants dans son histoire. Mais il rêve d’envoyer une équipe de curling aux JO 2026, qui auront lieu à Milan et Cortina, en Italie.
Le manque de glace, dans ce pays africain au climat équatorial, n’est pas le moindre obstacle sur la route des prochains Jeux d’hiver. L’unique patinoire du pays a dû fermer à cause de la pandémie de Covid-19. L’équipe nationale, formée en octobre 2021, a alors improvisé en s’entraînant non pas avec les fameuses pierres de granit qui lèchent la glace, mais avec des ersatz à roulettes lâchés sur le sol d’un gymnase… Face au manque d’entraîneurs et de matchs contre d’autres équipes, elle apprend les ressorts de son sport en visionnant des vidéos en ligne.
Aller aux Jeux de Milan, ce serait « un grand pas », affirme Laventer Oguta, la présidente de la Fédération kényane de curling (KCF) : « Comme on est seulement le deuxième pays africain à jouer au curling [après le Nigeria], ça peut nous donner une chance de nous qualifier pour les Jeux de 2026. Mais ça dépendra de notre préparation et du soutien du gouvernement. » Le Kenya est affilié à la fédération internationale, la WCF, depuis février 2021. La présidente de la WCF, Kate Caithness, avait alors considéré cette inscription comme « une grande réussite pour le Kenya et l’Afrique », estimant que cela allait « motiver d’autres membres africains ».
Lavender Oguta reconnaît que la fédération internationale avait néanmoins émis quelques doutes quant à la viabilité de ce sport au Kenya. La KCF a été handicapée par le Covid-19, l’absence de lieu d’entraînement et le manque de moyens, au point d’avoir eu recours à une levée de fonds participative afin de pouvoir s’entraîner à l’étranger en vue des Championnats Pacifique-Asie de novembre. Deux membres de l’équipe ont finalement réussi à se rendre aux Etats-Unis en janvier, pour un mois, afin de pouvoir éprouver la sensation de s’entraîner sur de la glace.
La sélection nationale n’a pour l’heure disputé qu’une rencontre internationale, un match amical remporté 7-5 face au Danemark, en octobre, dans un gymnase de Nairobi, avec les palets à roulettes.
« C’est un sport pour tout le monde »
Malgré les difficultés, ce sport a attiré un bon millier de personnes, si l’on en croit la KCF, certaines venant d’autres disciplines comme le football ou le rugby. Avec en filigrane le rêve de suivre les traces des deux seuls Kényans à avoir participé à des Jeux d’hiver, le fondeur Philip Boit (JO 1998) et la skieuse alpine Sabrina Simader (JO 2018).
« Le défi d’apporter un sport d’hiver au Kenya me motive. Cela ouvre un horizon totalement nouveau puisqu’on ne connaît pas l’hiver », avance Laventer Oguta. Cette femme de 33 ans aime convoquer les horizons nouveaux. Celle qui n’avait pu participer aux JO de Rio en 2016 avec l’équipe de rugby à sept en raison d’une blessure à un genou a aussi promu l’implantation dans son pays du kabaddi, un sport de contact d’origine indienne.
Haggai Odhiambo Zuma, ancien gardien de but de football en première division, a aussi pratiqué le kabaddi et le rugby avant de passer au curling. « Le Kenya est une nation naturellement portée vers le sport. Nous avons potentiellement de grandes chances de ramener des médailles des Jeux d’hiver grâce au curling si le gouvernement investit dans les installations de glace et aide les joueurs à s’entraîner à l’étranger », estime-t-il.
Anne Kariuki, vendeuse à la retraite reconvertie en chauffeuse VTC, a commencé le curling pour le plaisir mais espère désormais représenter son pays aux prochains JO d’hiver. « J’aime beaucoup jouer au curling. C’est un sport pour tout le monde, quel que soit votre âge », déclare cette quinquagénaire : « Je n’ai pas eu la chance de concourir pour le Kenya au niveau international en athlétisme, donc j’ai hâte de voir le Kenya affronter les meilleures nations et participer aux prochains Jeux olympiques. »